Lettre du LAAS

Publication trimestrielle du Laboratoire
d'analyse et d'architecture des systèmes du CNRS

Une certaine vision de la recherche

La vie nous réserve quelquefois des belles surprises et des rencontres qui marquent pour toujours une existence.

Celle que nous avons eue, voilà plus de 20 ans, Jean-Louis et moi, fait partie de celles-là. Que de chemin parcouru ensemble ! A la fin des années 80, notre collaboration scientifique a rapidement pris de l’ampleur malgré des domaines scientifiques éloignés et une concurrence historique de nos sites de recherche. Nos programmes de recherche communs se sont très vite enchaînés avec des prises de responsabilités collectives, des engagements communs et de beaux succès à la clef. A l’évidence, la réussite de ces travaux collaboratifs était le fruit d’une vision commune de notre activité de recherche et plus largement de notre vie d’homme.

Que de moments de complicité vécus ! Le séjour fondateur de notre histoire fut, à n’en pas douter, le voyage organisé par Pierre Merle et Jean Marie Peter au sein du GIRCEP et au cours duquel nous avons eu la chance de découvrir les entreprises européennes leader du monde l’électronique de puissance. Au-delà de l’apport scientifique de ce séjour, que de moments conviviaux fondateurs de notre amitié ! Cette manière de travailler fut systématiquement notre mode de fonctionnement. C’est ainsi que nos rencontres professionnelles se sont toutes poursuivies, à Montpellier dans le cadre des GdR ou à Tours dans le cadre des projets ST, par des soirées riches de moments de complicité dans lesquels les débats débordaient largement du cadre professionnel et où chacun d’entre nous exposait ses convictions. Car ce fut bien au niveau de nos convictions profondes que notre entente fut majeure.

"Son attachement à ses racines était bien réel. Il savait aussi aller se ressourcer sur ses terres viticoles."

Pour une recherche moins individualiste
Au fil des années cette proximité de pensée s’est traduite par plus de complicité. Force est de constater que cette complicité ne fut pas toujours bien comprise par notre communauté. Tout naturellement, cette amitié grandissante a rejoint le cadre de nos vies privées. C’est sans doute au cours de ces moments passés ensemble, loin des turpitudes professionnelles, que j’ai le plus découvert et apprécié Jean-Louis. L’homme était sincère et droit. Son attachement à ses racines était bien réel et ses copains d’Azillanet faisaient partie de sa bande. Il savait aussi aller se ressourcer sur ses terres viticoles et préparer avec son père son muscat « Lou Perdigal ». A tout instant, son énergie et son besoin d’œuvrer pour un collectif étaient au service de son entourage comme moteur et animateur. Les années passant, nous savions que beaucoup de valeurs nous rapprochaient. Ces dernières années, avec enthousiasme et énergie, nous nous sommes engagés respectivement dans des fonctions de responsabilités dont l’essentiel est de fédérer et d’animer des hommes sur un projet collectif. Après avoir longuement échangé sur ces nouvelles prises de responsabilités, nous avons découvert ensemble les difficultés de cette tâche. Ce fut pour nous l’occasion de longs échanges à Toulouse, à Grenoble ou au téléphone. Jean-Louis s’est battu jusqu’au bout pour que notre activité de recherche soit un peu moins individualiste. Il plaçait tous ses espoirs dans le projet collectif qu’il conduisait pour son laboratoire. Il laisse derrière lui une certaine vision de recherche. Je formule le vœu que la voie qu’il a ouverte et tracée continue à inspirer ses successeurs.

Christian Schaeffer
Professeur à l'INP de Grenoble, G2E lab