Lettre du LAAS

Publication trimestrielle du Laboratoire
d'analyse et d'architecture des systèmes du CNRS

Collaborations industrielles

© CNRS Photothèque / Motorola

Dès 1982, une collaboration étroite qui deviendra pérenne par la création de trois laboratoires communs débuta entre le LAAS-CNRS et Motorola Semiconducteurs, maintenant Freescale.

Au LAAS, les fondateurs, Danielle Bielle-Daspet, Augustin Martinez, Philippe Leturcq et Pierre Rossel ont rapidement intégré Georges Charitat et Jean-Louis Sanchez dans leur équipe. Jean-Louis a initié les premiers travaux sur le thème de l'intégration fonctionnelle de puissance qui a pour but d'intégrer dans un même cristal la fonction d'interrupteur de puissance avec les différentes fonctions de commande et de protection. Très attaché aux applications industrielles, il a orienté ses recherches vers la gestion de l’énergie électrique.
Très vite, Jean-Louis est devenu un leader incontesté de ce domaine et, après la disparition brutale de Pierre Rossel et de Georges Charitat, il prit la responsabilité du groupe de recherche « Composants et intégration de puissance ». Dans cette fonction, il a montré qu'il savait mener de front les recherches à caractère fondamental grâce à de solides compétences en physique des semiconducteurs et en technologie des composants ainsi que des travaux à caractère appliqué directement utilisables par l'industrie. Sa double formation d'ingénieur et de chercheur et ses qualités intellectuelles doublées du sens du concret lui ont permis de mener à bien ces différents travaux.

Des avancées scientifiques suivies de concrétisations industrielles
Dès le début de notre collaboration j'ai été impressionné par ses compétences scientifiques et techniques, son esprit créatif et sa grande capacité de travail. Ainsi, il est à l'origine d'avancées majeures dans l'intégration de puissance qui se sont concrétisées par la mise au point puis l'industrialisation d'un composant intégrant monolithiquement la diode de roue libre et de nouvelles architectures 3D afin d'assurer la maîtrise en tension des dispositifs IGBT ainsi que l'émergence du dernier composant MOS-i-Stars, élément essentiel de l'alterno-démarreur équipant les véhicules « Stop and Start ».
Très rapidement, je découvris une autre facette de sa personnalité : il adorait le travail d'équipe et, alors que je lui attribuais le succès de telle ou telle chose, lui l'attribuait au travail des chercheurs et ingénieurs du laboratoire commun. En outre, au fil du temps il est devenu un leader charismatique sachant tenir le rôle d’animateur et de catalyseur pour ses associés et ses partenaires. Il savait « libérer » et galvaniser les énergies des membres de son groupe afin d'en tirer le meilleur. Cette qualité-là, peu de leaders la détiennent. Leader au niveau régional, il l’était aussi au niveau international ; souvent appelé pour prononcer des conférences plénières sur l'intégration de puissance dans les congrès internationaux, il était très écouté de ses pairs.

Connaissance de l’état de l’art, décisions stratégiques
Ses compétences et connaissances, je les ai fortement appréciées et utilisées tout dernièrement lors du montage de deux projets. Le premier concernait la création de l'IRT de Toulouse dans le cadre du grand emprunt, pour lequel nous avons rédigé ensemble la définition des deux plateformes, l'une sur les micro et nano systèmes, l'autre sur la conversion et gestion de l'énergie. Le second projet prévoyait la création d'une nouvelle filière de composants de puissance sur substrats GaN/Si (Topogan).
Enfin, sa connaissance de l'état de l'art dans le domaine des composants et circuits de puissance et sa capacité à faire des synthèses claires et argumentées ont permis à l'industriel que je suis de faire des arbitrages techniques difficiles et de prendre des décisions stratégiques. Sans sa contribution essentielle, notre équipe n'aurait pu convaincre les différentes instances décisionnelles du bien-fondé de la stratégie que nous développions dans le projet Topofet : allier le développement d’une filière de rupture technologique (GaN/Si) à une recherche pérenne sur les structures Silicium.
Comment rendre hommage à Jean-Louis si ce n'est tout simplement pour tous les privilégiés qui ont avec lui conduit de grands partenariats comme pour tous ceux qui ont eu la chance d'être associés à ses travaux, de bien poursuivre la mission qu'il s'était assignée : continuer à porter haut pour le LAAS la qualité des recherches sur les systèmes de puissance et pour notre région et notre pays la mise en route de grands projets collaboratifs Industrie-Recherche académique.
Jean-Louis était comme beaucoup de toulousains fervent de rugby - il fut joueur et plus tard entraîneur pour qui l'esprit d'équipe n'était pas un vain mot. Saisissons la belle passe qu'il nous a faite et ensemble portons la balle dans l'en-but. 

Denis Griot
Président honoraire de Freescale EMEA
(Europe, Middle East, Africa)

Photo ci-dessus : Application à l'éclairage d'un transistor de puissance

30 ans de collaboration LAAS - Freescale

1984 • lancement de la première thèse CIFRE. Les retombées contribuent à établir Motorola comme leader européen de l’application « allumage » pour l’automobile.
1990 • deuxième thèse CIFRE, qui contribuera avec la première au développement de la filière transistors bipolaires de puissance haute tension pour le marché des lampes d’éclairage à basse consommation.
1991-1996 • modélisations physique et « circuits » des transistors MOS de puissance. La collaboration s'exerce notamment par deux thèses soutenues en 1994 et 1996. Les modèles conçus lors de ces travaux ont été implémentés dans les logiciels utilisés par les concepteurs de circuits de Motorola.
1992 • le LAAS et Motorola reçoivent le prix Michel Benech de l’Innovation en Midi-Pyrénées pour l’invention de la technologie SIPOS.
1992-1995 • Quatre nouvelles thèses dont l’une donnera le coup d’envoi de la réflexion sur la filière composants de puissance IGBT mariant les compétences bipolaires et MOS du LAAS.
1995 • Le prix Équipe de recherche de l’année du CNRS et du Nouvel économiste est attribué au LAAS et à Motorola pour une collaboration exemplaire entre recherche et industrie.
1995-1998 • Un premier laboratoire commun, LCIP, Laboratoire capteurs et intégration de puissance, offre un cadre formel à la collaboration et un vivier pour l’éclosion d’idées qui feront l’objet de thèses et de dépôts de brevets.
1999 • le LAAS et Motorola reçoivent à nouveau le prix Michel Benech de l’Innovation en Midi-Pyrénées pour l’invention des composants de puissance à îlots flottants (FLIMOS).
2001 • nouvelle thèse, dont les modèles sont intégrés dans les circuits de puissance SmartMOS™ de Motorola, tandis qu’une autre inaugurera une longue série sur le transistor MOS à îlots flottants (FLYMOS), qui a fait l’objet de nombreux brevets et développements.
2001-2004 • deuxième laboratoire commun, LCIP2, Laboratoire circuits intégrés de puissance, destiné à améliorer la fiabilité et les performances des circuits intégrés de puissance SmartMOS™ de Motorola.
2004 • Motorola Semiconducteurs devient Freescale Semiconducteurs.
2005-2008 • troisième laboratoire commun, LISPA, Laboratoire d’intégration des systèmes de puissance avancés. Dans ce cadre, des composants MOS de puissance avancés (FLYMOS), des structures de protection contre les décharges électrostatiques (ESD) et de nouvelles architectures de convertisseurs DC/DC sont conçus.
2008-2011 • projet ANR MOS i-StARS. Le tout dernier composant MOS i-StARS, est un élément essentiel de l’alterno-démarreur qui équipe désormais de nombreux véhicules utilisant le système « Stop and Start ».
2009-2011 • projet ANR Nano-INNOV ToPoGaN1. Depuis 2009, la collaboration s’étend à un nouveau matériau prometteur en micro-électronique de puissance : le Nitrure de Gallium (GaN).

Aujourd’hui, 7 projets associant le LAAS et Freescale sont actifs, tandis qu’une nouvelle convention de thèse CIFRE est en cours de montage.