Lettre du LAAS

Publication trimestrielle du Laboratoire
d'analyse et d'architecture des systèmes du CNRS

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Issu du Laboratoire de génie électrique comme la plupart de l’équipe qu’a formée le LAAS, Christian Marrot a passé presque toute sa vie professionnelle au LAAS où il était ingénieur d’étude. « Une drôle de maison » où, dans l’élan de mai 68, le débat et la participation de tous étaient encouragés, où le sens du collectif et l’engagement professionnel et personnel à ce collectif prévalaient et où lui-même s’est senti « heureux ».

Les quarante ans du LAAS, que le temps passe vite ! Je pense que pour cette occasion, beaucoup de choses vont s’écrire et se dire, sur sa vocation, sur les hommes et les femmes qui ont contribué à sa vie, à son épanouissement et à sa réussite. Moi, je n’ai pas qualité pour ça, mais très modestement j’aimerais évoquer la vie de quelques-unes des personnes qui étaient là au début. Quarante ans, rappelez-vous, il y a encore peu de temps c’était le nombre d’années de cotisation nécessaires afin de pouvoir bénéficier d’une retraite complète. Autrement dit, pour les collègues de ma génération, c’est toute une vie professionnelle.

Une drôle de maison
On pourrait presque dire que tout a commencé par les grèves de mai 68 où la salle de conférence était le lieu de débats épiques et initiatiques pour certains. Initiatiques car c’est sans doute dans ces moments-là que les jeunots que nous étions osaient donner leur avis. Peut-être grâce à cela un certain nombre d’entre nous ont-ils pris goût à la participation qui n’a eu cesse d’être sollicitée par les directions successives. Il faut dire que c’était une drôle de maison, les plus jeunes ne savent certainement pas par exemple que le LAAS avait son conseil de laboratoire avant que cela ne devienne statutaire au CNRS. Les délégués du conseil de laboratoire se voyaient remettre avant les réunions tous les documents nécessaires, y compris ceux concernant la gestion financière.

"Des conseils de labo dirigés par Monsieur Lagasse, c’était beaucoup mieux qu’un cours de formation"

Lorsque cela est devenu statutaire, nos syndicats respectifs ont revendiqué le droit pour les délégués d’obtenir ces documents et ils ont eu beaucoup de mal à admettre que nous-mêmes les avions toujours eus. Toutes les catégories de personnel étaient représentées au conseil de labo et tous les sujets y étaient abordés, ce qui provoquait des débats très animés qui se terminaient fort tard. Pour les ITA (ingénieurs, techniciens et administratifs), l’expérience était très enrichissante car des conseils de labo dirigés par Monsieur Lagasse, c’était beaucoup mieux qu’un cours de formation. Pour nos carrières, nous avions pris l’habitude de prendre acte lors des assemblées générales des résultats obtenus par le laboratoire et comme, bien entendu, nous n’étions jamais satisfaits, nous réagissions assez vivement en en rendant notre direction responsable. Un jour, il nous a été dit que si nous pensions que nous étions les parents pauvres du CNRS, ou que nous étions les victimes de jalousies que pouvaient susciter le LAAS, nous n’avions qu’a nous investir un peu dans les instances nationales, nous verrions ainsi comment cela fonctionne. Alors quelques-uns d’entre nous l’ont fait, et bien que ce ne soit pas un conseil, j’engage vivement les plus jeunes à le faire. Découvrir comment marche le CNRS, voir d’autres laboratoires, voir comment ils fonctionnent, c’est bien plus qu’enrichissant. On voit ainsi ce que l’on a et on voit aussi ce qu’ont les autres, ce qui permet de formuler des revendications qui prennent en compte la réalité.

"Si le CNRS encourageait la polyvalence,
le laboratoire l’a toujours pratiquée".

Par expérience personnelle, je ne vous dirai pas que tout a été parfait pendant quarante ans, il y eu des périodes que j’appellerais de creux qui ont nécessité que je change d’activité, ce qui m’a permis de prendre mon pied dans cette maison. Peut être certains ne comprendront pas que je dise que je suis parti à la retraite, en 2001, pour être en harmonie avec mes idées mais pas avec mon besoin.

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J’ai eu la chance de terminer ma carrière en faisant un travail qui me plaisait énormément et d’y prendre beaucoup de plaisir. Un peu plus haut en parlant du LAAS, je dis « cette maison », ce fut le cas pour moi. Ce n’est pas facile à expliquer mais, les moments de joie, de solitude, de grande peine comme tout un chacun peut en avoir, je les ai partagés avec des collègues, des copains, des amis. Tout cela très modestement et succinctement raconté vous permettra de comprendre que si on pouvait le refaire, je le referais avec grand plaisir. J’ai rencontré dans cette Maison des hommes et des femmes qui me l’ont fait aimer et je souhaite à bien d’autres le même bonheur.

Christian Marrot
Ingénieur d'étude CNRS au LAAS jusqu'en 2001