Lettre du LAAS

Publication trimestrielle du Laboratoire
d'analyse et d'architecture des systèmes du CNRS

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© LAAS-CNRS

Jean-Jacques Gagnepain, physicien directeur de recherche au CNRS, a dirigé le département scientifique Sciences Pour l’Ingénieur du CNRS pendant dix ans. La création du LAAS en 1968 s’inscrit selon lui dans la stratégie d’ouverture déjà mise en place alors au CNRS vers les universités et les écoles. Son positionnement dans le paysage scientifique, pratiquant une recherche fondamentale tout en considérant l’environnement économique et social, a été un support important du CNRS pour la défense d’une démarche scientifique allant de la Science jusqu’à l’application. Le LAAS, qui a toujours « fait preuve d’une jeunesse sans cesse renaissante », doit continuer à accompagner les évolutions, susciter la création de jeunes équipes sur des sujets nouveaux et originaux. De cette capacité dépend son avenir.

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Lorsque le LAAS fut créé, il y a 40 ans, le CNRS s’était engagé, quatre ans plus tôt, dans une stratégie d’ouverture vers les universités et les écoles. Cette nouvelle politique que l’on doit à Pierre Jacquinot qui était le directeur général de l’époque, avait pour objectif de créer des liens quasi-organiques entre le CNRS et les établissements d’enseignement supérieur. Il s’agissait aussi de sortir de l’isolement dans lequel ils se trouvaient les campus propres trop souvent coupés des universités et sans liens avec elles. Ce fut la politique de laboratoires et équipes universitaires associées au CNRS, mais aussi celle des laboratoires propres du CNRS associés aux universités. Ce fut un incontestable succès et on pourrait aujourd’hui se demander s’il existerait encore un CNRS si cette politique d’association n’avait pas été inventée à l’époque.
Les créateurs du LAAS étaient universitaires et celui-ci a d’abord existé par les enseignants-chercheurs qui sont venus y faire leurs recherches. Le CNRS lui a donné des moyens conséquents, financiers comme en personnels, ainsi que le statut de laboratoire propre. Placé au plus près des établissements d’enseignement supérieur, le LAAS a trouvé le sang neuf dont il avait besoin en permanence, les doctorants et les jeunes chercheurs, en leur offrant les meilleures conditions pour mener leurs recherches, par les compétences scientifiques, techniques et administratives de ses permanents ; conditions de la réussite telles que les avaient imaginées le père fondateur Jean Lagasse.
Le positionnement du LAAS dans le dispositif national de recherche fut, quelques années après, renforcé par la création des Sciences pour l’ingénieur, SPI, au CNRS. C’était en 1975. L’idée d’un département fortement couplé au monde économique et plus largement à la Société, était audacieuse et il fallait les personnalités de Robert Chabbal, Jean Lagasse et Hubert Curien pour la faire accepter, surtout face à ceux qui tentaient d’opposer une recherche « fondamentale » à une recherche dite « appliquée ». Ces derniers n’avaient pas compris que la recherche qui prend en
compte les problèmes scientifiques de la Société peut être tout aussi fondamentale que l’autre et qu’il n’y a pas de dichotomie mais un continuum qui va de la Science à l’application. Dans ce débat, qui n’a jamais complètement cessé, le LAAS fut, avec ses directeurs successifs et ses grands « barons », le support du CNRS et tout particulièrement du département SPI, pour défendre cette démarche scientifique qui apporte des solutions aux problèmes qui lui sont posés.

Le LAAS est sans doute le plus grand laboratoire du CNRS. Cette taille lui crée une obligation, celle de susciter en son sein la création de jeunes équipes sur des sujets nouveaux et originaux.

Tout au long de ces quarante années le LAAS a aussi fait preuve d’une jeunesse sans cesse renaissante. Je pense surtout à sa capacité de renouveler ses thématiques scientifiques. Je n’en veux pour trace que le nom du laboratoire, qui a changé trois fois, passant de l’automatique et des applications spatiales de ses origines à l’analyse et à l’architecture des systèmes d’aujourd’hui, tout en conservant le sigle LAAS, ce qui n’était pas le moindre des exploits. Il a su ainsi traverser les disciplines et s’adapter aux évolutions, notamment du monde industriel. Le LAAS est un grand laboratoire, non seulement par sa qualité et sa réputation, mais il l’est aussi par sa taille. A ce point de vue, il est sans doute le plus grand du CNRS. Cette taille lui crée une obligation, celle de susciter en son sein la création de jeunes équipes sur des sujets nouveaux et originaux. La jeune équipe qui, par nature, est fragile trouvera, dans un tel laboratoire, les conditions de sa survie et de son épanouissement, mieux qu’elle ne le ferait livrée à elle-même, seule dans la nature, même académique. De cette capacité dépend l’avenir du LAAS, surtout au moment où le paysage de la recherche se transforme par la création d’agences, par le développement de la recherche sur projets et par la longue marche que viennent d’entreprendre les universités vers leur autonomie. Le LAAS, comme le CNRS, doit accompagner ces évolutions. Nul doute que le LAAS saura le faire et sera pour longtemps encore le fer de lance du CNRS et de la recherche française.
Bon anniversaire au LAAS et rendez- vous pour le cinquantenaire !

 Jean-Jacques Gagnepain
Directeur scientifique du département SPI du CNRS de 1991 à 2001