Lettre du LAAS

Publication trimestrielle du Laboratoire
d'analyse et d'architecture des systèmes du CNRS

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Pierre Ribes, alors technicien au Laboratoire de génie électrique, a participé plus qu’activement au déménagement en mai 68 vers le LAAS où il a continué sa carrière jusqu’à sa retraite en 2001. L’ambiance, entre débats politiques et empressement à investir les locaux neufs, était alors effervescente et a selon lui contribué à la cohésion qui caractérise l’histoire du LAAS. Il revient sur l’organisation du laboratoire, la création d’un conseil en son sein et la gestion des personnels, notamment ingénieurs, techniciens et administratifs, innovantes et inédites alors au CNRS et qui ont constitué la « culture LAAS ».

Lorsque le Général de Gaulle, M. Bazerque étant maire de Toulouse, décida de la décentralisation du CNES et des grandes écoles, Sup-Aéro et l’Enac, dans cette ville, le professeur Jean Lagasse, directeur du LGE, Laboratoire de génie électrique, à l’ENSEEIHT, obtint des crédits pour créer un laboratoire d’automatique. Il devint le Laboratoire d’automatique et de ses applications spatiales : LAAS. La construction des bâtiments, entreprise rapidement, fut achevée début mai 1968. Le déménagement du LGE, où nous étions logés, vers ce magnifique lieu était comme l’entrée dans un palais. Aussi, pour en accélérer l’occupation à moindres frais, tous, personnels du LGE, avons pris sur nous sans compter le temps et la peine, de nettoyer l’intérieur de ce bâtiment à peine terminé. Balais et serpillières en main, nous avons rendu les locaux prêts à recevoir les équipements et les bureaux. Une vraie fourmilière dans la joie et le plaisir. C’est à cette période que démarrèrent à Toulouse ce que l’on nomme encore aujourd’hui les évènements de Mai 68. Dans la nouvelle salle de conférences, nous débattions, convaincus, plus ou moins, de pouvoir changer le monde. Les nouvelles de Paris portées par tel ou tel maintenaient l’ambiance et notre motivation. J’ai le souvenir de M. Lagasse me disant : « Tu veux faire circuler tout le monde en 4 cv et moi en DS ! ». Les usines Renault et Citroën ayant arrêté de produire ces deux modèles, vous ne saurez jamais lequel de nous deux aurait eu raison. Le soir venu, notre seule hantise, due à notre imagination collective, était de protéger les locaux, nos locaux. Ne voulant laisser à personne d’autre qu’à nous mêmes cette surveillance, à tour de rôle, par groupes de volontaires, assis ou debout dans le vaste hall, nous poursuivions nos discussions jusqu'au lever du jour. Certains pensent que de ces moments de discussions est né ce que l’on appelle l’Esprit LAAS et que le LAAS est devenu notre laboratoire.

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Monsieur Lagasse, et les chercheurs que certains directeurs du SPI nommèrent les barons, proposèrent dès le début de la reprise du travail une organisation du laboratoire. Des statuts furent rédigés, proposés, discutés et approuvés par l’ensemble du personnel réuni en assemblée générale. Une équipe de direction, assistée d’un conseil de laboratoire comportant des membres nommés (responsables de groupes de recherche) et autant de représentants des personnels (chercheurs et enseignants ; ingénieurs, techniciens et administratifs, ITA) élus au suffrage universel. Le conseil de laboratoire donne son avis sur la gestion financière des recherches, des contrats et des ITA. Après avis de commissions, il fixe les priorités en équipements collectifs.

Mobilité interne et formation
Tous les personnels ITA sont placés dans des services spécialisés. Le conseil de laboratoire peut proposer, après analyse des besoins, de l’affectation de tel ou tel ITA à des groupes de recherche pour une durée déterminée, renouvelable si besoin. Ceci afin d’apporter un soutien technique pour mener à bien un projet de recherche reconnu par le conseil de laboratoire, pour développer un contrat ou un transfert technologique vers une application industrielle. Cette mobilité interne permet simultanément à ces ITA d’acquérir une formation permanente en s’imprégnant de l’évolution scientifique du groupe de recherche dans lequel ils sont affectés. Le conseil de labo examine les dossiers ITA pour les demandes d’avancement ou de promotion auprès des commissions nationales. C’est avec les mêmes critères que sont gérés les agents rémunérés sur ressources propres. Cette façon de gérer les personnels permet que les classements annuels pour les demandes d’avancement et de promotion catégorielles soient faites, pour tous, sur des critères comparatifs. Le classement par priorités peut ainsi tenir compte des possibilités nationales sans créer à l’intérieur du laboratoire des passe-droits qui pourraient nuire à la bonne entente et au travail collectif. Avant le plan de titularisation, sur la proposition du conseil de laboratoire, le directeur du LAAS avait passé un accord avec la direction du CNRS pour intégrer sur postes budgétaires des contractuels rémunérés sur les ressources propres provenant de contrats. Cet accord était, bon an mal an, ni gagnant ni perdant pour les deux partenaires. Chaque nouvelle création de poste de titulaire CNRS affecté au LAAS devait
correspondre à la fonction et au niveau de celle occupée par le plus ancien agent rémunéré sur ressources propres. C’est en 1984 que le statut
de fonctionnaire a consolidé l’attachement des personnels à la recherche et au laboratoire.

Culture LAAS
Retraité depuis 2001, j’ai le plaisir de revenir souvent au laboratoire. Toutes les visites et les festivités sont l’occasion de rencontrer de nouvelles personnes et de retrouver d’anciens collègues de travail encore en activité. Je pense qu’après des années passées dans ce laboratoire, on reste imprégné de sa culture et, lors de ces visites où l’on retrouve de nombreux anciens ayant quitté le laboratoire, nous aimons en évoquer nos souvenirs. Même si le LAAS a grandi et changé de nom, il est toujours le LAAS ! Les festivités du 40e anniversaire de sa création sont la preuve de la solidité de son organisation, du sérieux et d’une bonne ambiance due au respect mutuel des personnes qui y travaillent.
Longue vie au LAAS et à son organisation ! Cette organisation permet aux chercheurs et enseignants- checheurs d’y produire une recherche de pointe et de qualité, reconnue du monde scientifique et de nombreuses petites ou grandes industries ; le LAAS est connu bien au-delà de nos frontières. Elle permet aussi aux ITA une évolution de leurs connaissances scientifiques et techniques, évolution indispensable au cours d’une carrière qui ne cesse de s’allonger.

Pierre Ribes
Ingénieur d'étude CNRS au LAAS jusqu'en 2001