Une sonde de microscope à force atomique ultra-rapide pour étudier les interactions moléculaires
Des chercheurs de l'équipe MEMS, en collaboration avec deux laboratoires CNRS et deux autres partenaires public et privé, ont mis au point une sonde de microscope à force atomique (AFM) exploitant l’interaction optomécanique pour un fonctionnement à très haute vitesse et à très haute résolution.
Le microscope à force atomique (AFM), qui permet de réaliser des images et des mesures à l'échelle du nanomètre, joue un rôle déterminant dans le développement des nanotechnologies. Son fonctionnement repose sur l’analyse de la vibration d’une pointe très fine se déplaçant à la surface d’un échantillon. Mais les applications les plus exigeantes, par exemple pour étudier des interactions moléculaires en biologie, supposent de réaliser des images et des mesures à des fréquences hors de portée des sondes actuelles, fondées sur le concept du levier mécanique vibrant.
Pour s'affranchir de cette limite, les chercheurs de l'équipe MEMS - Microsystèmes électromécaniques avec le laboratoire de Matériaux et Phénomènes Quantiques1 et de l'Institut d’Electronique, de Microélectronique et de Nanotechnologie2, en collaboration avec le CEA-Leti et la société Vmicro SAS, soutenus par le projet ANR Olympia3, ont développé une sonde optomécanique qui, grâce à une fréquence de vibration cent fois plus élevée que celles des sondes usuelles et à une sensibilité extrême au mouvement, ouvre la voie à des mesures AFM ultra-rapides. Les premiers résultats sont publiés dans la revue Nanoscale4 et cette approche fait l’objet d’un brevet5.
Les chercheurs ont conçu et testé un nouveau concept de sonde basé sur un anneau de silicium micrométrique doté d'une nano-pointe dans lequel est injectée de la lumière laser via des fibres et des guides optiques. Avec ce dispositif, le couplage entre les modes de résonance optique et de vibration mécanique de l’anneau a permis d'utiliser des fréquences mécaniques de plus de 100 MHz, cent fois supérieures à la fréquence de fonctionnement des sondes AFM standards. Un microscope équipé d'une sonde optomécanique pourrait ainsi capturer des images ou effectuer des mesures à une cadence ultra-rapide, avec une résolution temporelle de l'ordre de quelques nanosecondes (10-9 s). Une sensibilité de la mesure permettant de détecter des mouvements avec une résolution inédite d'un dixième de femtomètre (soit 10-16 m).
Les premiers tests ont été réalisés dans nos salles du laboratoire sur un microscope AFM spécifique. Ces sondes optomécaniques vont désormais être implantées sur les microscopes AFM standards les plus avancés. « Des essais avec un laboratoire de biologie sont en préparation », indique Bernard Legrand, directeur de recherche au sein de l'équipe MEMS et coordinateur du projet Olympia.
L'objectif est de comprendre des réactions biochimiques ultra-rapides à l'échelle moléculaire, par exemple pour la recherche de nouveaux antibiotiques ou de médicaments. Les performances de ce type de dispositifs vont être explorées à des fréquences plus élevées, jusqu'au GigaHertz, afin d'étendre encore l'utilisation du microscope AFM. Une sonde AFM fonctionnant à cette fréquence permettrait, par exemple, d'étudier des changements de conformation d’une molécule unique dans des milieux biologiques, phénomènes dont la durée est inférieure à 10 nanosecondes, qui ne sont aujourd'hui accessibles que par simulation.
A retrouver sur La lettre innovation du CNRS
1MPQ, CNRS/Université de Paris
2IEMN, CNRS/Université de Lille/Université polytechnique Hauts-de-France/Centrale Lille Institut
3Subvention ANR-14-CE26-0019, projet Olympia (2014-2019)
4Optomechanical Resonating Probe for Very High Speed Sensing of Atomic Forces
P.E. Allain, L. Schwab, C. Mismer, M. Gely, E. Mairiaux, M. Hermouet, B. Walter, G. Leo, S. Hentz, M. Faucher, G. Jourdan, B. Legrand and I. Favero. Nanoscale, 12, 2939-2945 (2020), doi 10.1039/c9nr09690f
5Brevet n° WO2018134377 (A1)
Probe for atomic force microscope equipped with an optomechanical resonator, and atomic force microscope comprising such a probe
B. Legrand, L. Duraffourg, S. Hentz, I. Favero, M. Faucher, B. Walter and P. Allain, en copropriété CNRS/ CEA/ Université Paris-Diderot/ Université des sciences et technologies de Lille 1/ Vmicro, publié le 26/07/2018
Contacts :
Bernard Legrand, directeur de recherche au LAAS, bernard.legrand@laas.fr
Ivan Favero, directeur de recherche à MPQ, ivan.favero@u-paris.fr