Modélisation multi-niveaux du dépot de CuO sur Al
contact : anne.hemeryck@laas.fr
Cadre, Contexte de l’étude
Les matériaux de type thermite (métal/oxyde métallique) peuvent être élaborés sous la forme de feuillets dans lesquels les composants (oxyde métallique et métal) sont empilés tour à tour sous forme de couches d’épaisseur nanométriques. L’objectif des travaux de modélisation est d’accompagner la technologie en renseignant sur l’agencement des nanocouches les unes avec les autres et plus particulièrement aux interfaces. Il est communément admis par l’ensemble des chercheurs, technologues ou autres utilisateurs qu’à l’heure actuelle, les matériaux énergétiques sont utilisés sans que leur composition exacte soit maitrisée. Il est également démontré et reconnu par l’ensemble de la communauté que leurs caractéristiques en terme de réactivité, sensitivité, stabilité, pression générée, exothermicité varient en fonction du type, de la composition, de l’intimité des réactifs, l’épaisseur des couches, du type d’interface.
Le manque de connaissance constaté sur la structure exacte du matériau vient d’un manque de contrôle du procédé de fabrication alors que les structures et les propriétés finales du matériau dépendent des conditions dans lesquelles ils ont été synthétisés. Cela empêche au final l’optimisation et la maîtrise fine des propriétés énergétiques (température de déclenchement, réactivité, stabilité). La modélisation multi-niveaux est requise pour acquérir une compréhension fondamentale sur la structuration en cours d’élaboration.
Résultats
Le focus s’est porté sur la formation de l’interface produite lors du dépôt de CuO sur Al. La stratégie multi-niveaux appliquée a consisté en la recherche des mécanismes des premières étapes de dépôt de CuO sur Al et de croissance d’interface à l’aide de la DFT (structures et énergies) puis d’introduire les résultats obtenus dans le code kMC développé dans la thèse capable de simuler le dépôt à grande échelle et de tenir compte des paramètres technologiques de dépôt telle la température et la pression. Ce simulateur permet de prédire et de mesurer l’impact des paramètres technologiques sur la nanostructuration des couches élaborées.
Principaux résultats obtenus en DFT via une campagne de calculs intensive sur le calculateur CALMIP.
La DFT révèle que :
| Vue schématique des diffusions à l'échelle atomique |
Dans ce cas illustrant parfaitement la chimie complexe rencontrée dans la croissance des couches d’interface, la DFT ne peut proposer un modèle d’interface. Il est alors nécessaire de changer d’approche de modélisation.
Principaux résultats obtenus en kMC.
L’ensemble de ces mécanismes caractérisés en DFT a été implémenté dans le code kMC pour la simulation de la croissance à l’échelle mésoscopique. Cette méthodologie permet de mixer l’ensemble de ces événements de l’échelle atomique. Le code est fondé sur une technique de Monte Carlo cinétique et développé en Java. Il permet de simuler la croissance de l’oxyde CuO, et la formation des interfaces, avec des millions d’atomes tout en tenant compte des paramètres procédés tels qu’appliqués par le technologue. Une comparaison directe avec l’expérience est alors envisageable.
La Figure ci-contre illustre l’effet des paramètres expérimentaux sur la croissance, en particulier l’épaisseur, de la couche d’interface formée lors du dépôt. Dans les simulations présentées ci-après, la température du substrat varie entre 300K et 200K. Nous constatons que la température a un effet drastique sur l’épaisseur de la couche : une épaisseur de l’ordre de 60 Å pour la couche d’interface est observe à Température ambiante, alors qu’il est possible de créer des interfaces nettes, sans couche de mélange pour des substrats refroidis à 200 K. | ![]() |
Nous identifions donc dans ce travail de modélisation prédictive une température critique pour le contrôle de la formation des couches d’interface entre 200 et 210 K.
CONCLUSIONS
Nous démontrons que la connaissance des mécanismes impliqués dans la formation des couches d’interface lors de l’élaboration des matériaux est pertinente si l’on souhaite élaborer des matériaux à façon pour des applications ciblées.
Ici la nanostructuration est pilotée par le contrôle de la cinétique des diffusions impliquées dans la croissance des couches d’interface grâce au fittage des paramètres technologiques telle la température. En autorisant ou non ces diffusions par le choix d’une température précise, l’épaisseur de la couche d’interface peut être définie. Une nouvelle voie vers des matériaux « designed », pour des applications ciblées.
Cette proposition est uniquement possible par une caractérisation précise de chacun des mécanismes de croissance recueillie à l’aide d’outils théoriques atomiques telles les méthodes ab initio. En addition, l’approche multi-niveaux permet d’aller au delà en proposant des simulations prédictives des procédés de dépôt pour guider le technologue.
Plus d'infos :
Ce travail a été réalisé dans le cadre de la thèse de Mathilde GUILTAT entre 2013 et 2016.