Jean-Paul Laumond, chercheur roboticien au LAAS, lauréat d’une bourse du Conseil européen de la recherche
Le Conseil européen de la recherche, ERC, vient de publier les résultats de l’appel à propositions 2013 dans la catégorie Chercheurs confirmés. Jean-Paul Laumond, directeur de recherche au CNRS et chercheur au LAAS dans le domaine de la robotique, obtient une bourse pour son projet Actanthrope : Explorer les fondements calculatoires de l’action anthropomorphe.
Cette compétition extrêmement sélective sélectionne et finance les projets des meilleurs chercheurs européens, dans le but de stimuler la recherche exploratoire et de donner aux lauréats les moyens, sur 5 années, de mener leur projet. Parmi les 2408 soumissions, 284 ont été distinguées dans 18 pays. La France, 3e pays bénéficiaire, après le Royaume-Uni et l’Allemagne, en hébergera 35 dont 13 portés par des chercheurs du CNRS.
Le projet Actanthrope se propose d’explorer les fondements calculatoires de l’action anthropomorphe par une approche neuro-robotique. Il a l’ambition d’établir une nouvelle théorie de l’intelligence encorporée, plaçant le mouvement au cœur d’une sémiotique de l’action anthropomorphe. Le projet vise des contributions en robotique humanoïde et ses applications en robotique de service et d’intervention, ainsi qu’en simulation numérique du corps humain dans le domaine de l’ergonomie.
A la différence d’autres financements européens, la bourse ERC est nominative et récompense l’excellence des travaux d’un chercheur qu’elle reconnaît comme le meilleur scientifique de son domaine en Europe. Son attribution à Jean-Paul Laumond apporte aussi un formidable rayonnement à l’ensemble de la thématique robotique humanoïde au LAAS. C'est en effet sous son impulsion que des travaux de recherche s’orientent depuis 2004 vers l'étude du mouvement anthropomorphe dans deux grandes directions : la robotique humanoïde et la modélisation du mouvement humain en liaison avec les neurosciences.. L’équipe Gepetto, qu’il a créée en 2006 dans cette perspective, mène ses travaux dans une remarquable cohésion scientifique au sein par ailleurs de plusieurs autres projets européens.
Jean-Paul Laumond
Jean-Paul Laumond est roboticien, directeur de recherche au LAAS-CNRS à Toulouse. Professeur de mathématiques au début de sa carrière, il entre au CNRS en 1985. Ses travaux de recherche portent sur l’algorithmique de la planification et du contrôle de mouvement, et sont publiés dans des journaux et conférences internationales en robotique, informatique, automatique, voire en neurosciences. Il a été coordonnateur de deux projets européens Esprit portant sur ce thème. Au début des années 90 il propose les premiers algorithmes permettant de garer automatiquement une voiture, même équipée d’une remorque. En 2000, avec trois collègues, il crée Kineo CAM, une entreprise qui valorise les travaux du LAAS en matière de planification de mouvement sur le marché de la maquette numérique et du prototypage virtuel. Il dirige l’entreprise pendant deux ans. De retour au LAAS, il s’intéresse au mouvement humain et aux robots humanoïdes. Il monte l’équipe de recherche Gepetto portant sur ce thème. De 2005 à 2008, il co-dirige le laboratoire franco-japonais AIST-CNRS JRL en robotique humanoïde. C’est dans ce cadre que le CNRS acquiert le robot humanoïde HRP-2 en 2006.
Il a été « invited senior scientist » de l’université de Stanford en 1990, membre du Comité national de la recherche scientifique de 1991 à 1995, éditeur de la revue IEEE Transactions on Robotics de 2008 à 2012 et membre du Comité administratif de la société IEEE Robotics and Automation. En 2007, il a été nommé Fellow de la société IEEE. Il a été le titulaire 2011-2012 de la Chaire Innovation Technologique Liliane Bettencourt du Collège de France. Il est actuellement membre du Conseil scientifique de l’INS2I au CNRS. Il enseigne la robotique à l’Ecole normale supérieure de Paris.
Actanthrope
Le projet Actanthrope se propose d’explorer les fondements calculatoires de l’action anthropomorphe par une approche neuro-robotique. Il a l’ambition d’établir une nouvelle théorie de l’intelligence encorporée, plaçant le mouvement au cœur d’une sémiotique de l’action anthropomorphe. Le projet vise des contributions en robotique humanoïde et ses applications en robotique de service et d’intervention, ainsi qu’en simulation numérique du corps humain dans le domaine de l’ergonomie.
La notion d’action est ancrée dans l’espace physique alors qu’elle trouve son origine dans des espaces sensoriels et moteurs, que ce soit chez l’homme ou chez le robot. La géométrie constitue le lien fondamental entre ces trois espaces. L’objectif d’Actanthrope est de proposer les géométries les plus commodes pour rendre compte des fondements calculatoires de l’action.
Le corps anthropomorphe est une structure complexe, à la fois redondant vis à vis des tâches de manipulations et sous-actionné vis à vis de la locomotion. Partant du postulat que la structure d’une action hérite de celle du corps qui en est à l’origine, l’intuition sous-jacente au projet est que les actions peuvent être segmentées à l’intérieur d’un certain nombre de sous-espaces structurant l’espace des postures. Ces sous-espaces peuvent alors être vus comme des symboles faisant le pont entre raisonnement délibératif et contrôle réflexe. C’est dans cette perspective que les approches géométriques de segmentation et de génération de mouvements contribueront à explorer la notion d’intelligence encorporée. Deux questions fondamentales structurent la recherche :
- Segmentation de mouvement : dans les espaces sensoriels et moteurs, quels sont les sous-espaces qui définissent la structure d’une action donnée ?
- Génération de mouvement : parmi tous les mouvements possibles dans un sous-espace donné, quelle loi sous-tend le principe de sélection d’un mouvement particulier ?
En robotique ces questions sont liées à l’articulation entre manipulation de symboles et traitement de signaux physiques. En neurosciences computationnelles ces questions s’apparentent à la recherche d’invariants du mouvement. L’ambition du projet est de promouvoir une approche duale « comprendre et faire » : explorer les fondements calculatoires de l’action humaine pour concevoir des robots plus autonomes, et réciproquement, développer les techniques de la robotique pour mieux comprendre l’action humaine.
Actanthrope base sa méthodologie sur le développement d’un « Atelier de l’Action Anthropomorphe » pour l’étude des deux composantes principales de l’action physique : la manipulation et la locomotion. L’atelier est constitué de robots humanoïdes et d’équipements pour l’analyse du mouvement. Il a pour vocation d’attirer autour d’une même plateforme technologique des chercheurs aux savoir-faire complémentaires, partagés sur la base d’une solide formation en mathématique. Deux défis portant sur la locomotion dynamique et deux autre sur la manipulation structurent l’atelier.