Interférométrie à Rétro-injection Optique (IRO)

Les dispositifs basés sur ce phénomène physique atypique de l’interférométrie ont prouvé leur intérêt en termes de sensibilité et de résolution. Dans le cas de l’IRO, la diode laser joue à la fois le rôle de la source de lumière, du micro-interféromètre et du photodétecteur. En effet, une portion du faisceau laser réfléchi par la cible rentre dans la cavité active du laser et vient se mélanger avec le faisceau en cours d’amplification. Il en résulte un interféromètre sans composant optique externe, à l’exception de la lentille de focalisation/collimation.

Principe général d’un dispositif de mesure par IRO. On note l’absence de composants optiques externes comparativement à de l’interférométrie classique.

Principe général d’un dispositif de mesure par IRO. On note l’absence de composants optiques externes comparativement à de l’interférométrie classique.

Cependant, de tels dispositifs sont généralement peu souples d’utilisation dans la mesure où le moindre changement dans les spécifications (bande passante, dynamique de mesure, précision...) entraîne de reprendre complètement la conception du dispositif. Notre stratégie consiste à permettre de relâcher ces contraintes de design, sans pour autant ajouter de composants optiques externes au système, comme notre communauté scientifique le propose trop souvent.

Modélisation

Les performances de nos dispositifs de mesure sont avant tout liées aux modèles du comportement physique de l’IRO que nous avons développés.

Nous avons aussi développé une méthode modulaire proche du partitionnement hardware-software pour rendre plus robuste nos traitements du signal associés à la conception d’une électronique dédiée.

Nous avons développé un modèle dynamique (remplaçant le traditionnel modèle quasi-statique de Lang-Kobayashi). Dans le cas d’une cavité externe longue (formée par la face avant du laser et la cible), plusieurs solutions peuvent être obtenues des équations d’état. Une variation de la distance laser-cible peut entraîner une bifurcation. La variation de puissance optique (i.e. chaque frange d’interférence) présente alors des oscillations hautes fréquences détectées avec une électronique de grande bande passante (100 MHz) au lieu de la forme en dent de scie traditionnellement admise. Chaque frange contient alors de l’information à la fois sur le coefficient de réflexion de la cible et sur la distance absolue laser-cible.

Frange d’IRO mesurée avec un détecteur large bande passante (100MHz).

Frange d’IRO mesurée avec un détecteur large bande passante (100MHz). En pointillés, on retrouve la dent de scie habituelle obtenue avec un détecteur classique.

Signaux simulés à l’aide de notre modèle dynamique pour deux valeurs de r3 et τext
Signaux simulés à l’aide de notre modèle dynamique pour deux valeurs de r3 et τext

Applications

Vibrométrie

Afin d’atteindre une précision sub-nanométrique pour la reconstruction du déplacement d’une cible, nous avons modélisé le régime de rétro-injection optique modéré afin de le classifier en 5 sous-régimes. Nous avons alors développé une nouvelle méthode de dépliement de phase. Généralement, une telle méthode permet d’atteindre une précision de l’ordre de 20 nm seulement, du fait de la mauvaise interprétation de la forme du signal de rétro-injection en régime modéré. Ainsi, une fonction bijective entre les signaux d’IRO et la phase a été définie, permettant d’atteindre les précisions de mesure visées.  

Classification du régime de retro-injection optique modéré
en 6 sous-classes différentiées selon la forme du signal.

Le facteur de couplage C du laser soumis à retro-injection optique modifie continument la forme du signal d’IRO ce qui entraîne des pertes de précision lors de la reconstruction du déplacement. Nous avons proposé une approche par optimisation globale pour suivre en temps réel de telles variations de C à partir d’une fraction du signal acquis (et non sur une période complète comme usuellement proposé). Il nous a ainsi été possible de proposer un système autofocus performant à l’aide d’une optique adaptative (temps de réponse 80 ms).

Par fusion de données avec un accéléromètre de type MEMS, nous avons pu compenser l’influence des mouvements du vibromètre IRO lui-même afin de le rendre embarquable. Lorsque le dispositif global est soumis à des mouvements tels que des vibrations parasites par exemple, il est désormais capable d’extraire le déplacement de la cible visée avec une précision de 40 nm (limitée par la précision de l’accéléromètre essentiellement).

Vibromètre laser embarqué par interférométrie à rétro-injection optique couplé à un accéléromètre. La cible est un actuateur piézoélectrique (PZT) avec un capteur capacitif de déplacement intégré. Prix européen de la mécatronique, catégorie recherche.

Exemple de mesure obtenue sur une cible sans mouvement lorsque le vibromètre est soumis à des vibrations.

96% du signal parasite est éliminé, soit une amélioration de 31dB.

Reconstruction d’un déplacement à l’aide de notre vibromètre (en rouge) et d’un capteur capacitif intégré dans la cible (un actuateur piézoélectrique, en vert). En bleu, signal brut d’IRO.

Nous avons aussi développé un traitement du signal temps-réel basé notamment sur une transformée de Hilbert afin de réduire totalement l’influence du speckle qui entraine une diminution de l’amplitude du signal IRO.

Nous pouvons désormais reconstruire le déplacement de la cible dans le domaine temporel, quel que soit l’état de surface de la cible (papier de verre, mousse noire, etc.).

Détection robuste des franges d’IRO même en cas présence de speckle par calcul de la phase instantanée.

Un photon n’est alors pas réfléchi par une seule particule en suspension dans le fluide mais il est réfléchi d’une particule à l’autre avant d’être finalement réinjecté dans la cavité laser. La forme du signal dans le domaine temporel rend la mesure complexe, d’autant que le rapport signal à bruit est faible.

Vélocimétrie

Le laser est ici directement utilisé comme sonde (i.e. sans nécessité d’utiliser une fibre optique) en direction du micro-canal où s’écoule le fluide avec des particules en suspension, même dans le cas d’une cible diffusante hétérogène (par exemple, la peau).

Principe général de mesure de vitesse d’écoulement dans un canal à l’aide d’un vélocimètre IRO.

Un photon n’est alors pas réfléchi par une seule particule en suspension dans le fluide mais il est réfléchi d’une particule à l’autre avant d’être finalement réinjecté dans la cavité laser. La forme du signal dans le domaine temporel rend la mesure complexe, d’autant que le rapport signal à bruit est faible.

Signaux fréquentiels du vélocimètre IRO pour différentes concentrations de lait diluéSignaux du vélocimètre IRO en fonction de la vitesse d’écoulement (en μL/min)

Notre but est de mesurer des écoulements, y compris turbulents, dans des dispositifs micro-fluidiques. Notre application finale permettra d’aider au diagnostic de cancer de la peau, en particulier dans les cas d’un mélanome précoce ou pigmenté, en développant à terme un dispositif rendant possible une mesure dans le cadre d’une consultation médicale traditionnelle.

Notre vélocimètre permet une mesure d’écoulement dans des microcanaux de dimensions jusqu’à 20µm. La gamme de vitesse détectée actuellement va de 2µl/min à 100µL/min (limite mécanique du canal).

Nous pouvons aussi effectuer un profil de vitesse d’écoulement en temps réel par scan à l’intérieur du microcanal pour différentes configurations (viscosité du fluide, densité des particules en suspension, topologie du microcanal, etc.). Nous avons avantageusement comparé nos résultats obtenus en temps réel avec un instrument basé sur la technique mature dites de « dual-slit » nécessitant au moins 40s par point de mesure.

Nous sommes membres de l’Action COST BM1205: European Network for Skin Cancer Detection using Laser Imaging
 


Profil théorique d’écoulement d’un fluide newtonien (en vert) dans un canal de 120 µm.
Mesures par la méthode dites du « dual-slit » (en rouge, 40s par point de mesure).
Mesures temps-réel avec notre vélocimètre IRO (en bleu).

Anémométrie

La détection de faibles concentrations de particules (telles que des aérosols) en suspension dans l’air est un défi dans le domaine de l’exploitation des champs d’éoliennes.

Nous avons conçu un anémomètre permettant la mesure de la vitesse des particules en suspension dans l’air afin d’en déduire la vitesse du vent.  Il détecte une particule de petit diamètre en régime de diffusion de Mie, le rapport puissance émise sur puissance détectée  étant d’environ 109.

Développé en partenariat avec la start-up Epsiline (http://www.epsiline.com/fr),  la corrélation entre les mesures de notre anémomètre et celles obtenues par des dispositifs du commerce est de 99%.

Les vitesses du vent mesurées vont jusqu’à 30 m/s ce qui implique une fréquence d’acquisition et de traitement du signal jusqu’à 100MHz pour une portée maximum de 4 m.


Prototype de l’anémomètre.