Lettre du LAAS

Publication trimestrielle du Laboratoire
d'analyse et d'architecture des systèmes du CNRS

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Garantir la résilience de grands systèmes informatiques, en réseau et en perpétuels évolution et changements, requiert un plan d’ensemble des recherches à mener, incluant l’exploration de nouvelles voies de recherche et la formation de ses acteurs. Le réseau d’excellence européen ReSIST, Resilience for Survivability in Information Society Technologies, a élaboré ce plan après avoir recensé l’état des connaissances actuelles dans le domaine. Il met aussi à disposition de la communauté concernée un programme d’enseignement de master, avec l’objectif de créer une vraie culture de la résilience des systèmes informatiques ubiquitaires, capable d’assumer et d’anticiper les mutations technologiques.

Les systèmes informatiques ubiquitaires sont les grands systèmes en réseau qui constituent les infrastructures informationnelles complexes, des super-calculateurs et des gigantesques fermes de serveurs aux myriades d’ordinateurs mobiles et de systèmes embarqués. Ces systèmes sont en évolution constante. La résilience est leur persistance à délivrer des services de confiance justifiée lorsqu’ils sont confrontés à des changements. Ces changements peuvent être fonctionnels, environnementaux ou technologiques ; ils peuvent être prévus, prévisibles ou totalement inattendus ; leur occurrence peut être à court, moyen ou long terme. Ils induisent enfin des évolutions dans les entraves à la sûreté de fonctionnement, en particulier les modes de défaillance.
Conférer résilience aux systèmes informatiques ubiquitaires est l’objet du réseau d’excellence européen ReSIST qui a élaboré un programme des recherches à entreprendre à cette fin. Elaboré avec la collaboration des chercheurs et doctorants des 18 institutions académiques et organisations industrielles du réseau, le programme de recherche offre sa vision des recherches à mener pour la résilience des systèmes informatiques ubiquitaires, englobant et dépassant celles qui seront effectivement entreprises par les partenaires du réseau. Quarante et un textes focalisés ont été d’abord produits, chacun dédié à un manque dans les approches actuelles, et aux défis à relever pour combler les manques. Ces textes focalisés ont été synthétisés en 12 sous-ensembles des quatre technologies de la résilience : évolutivité, analysabilité, utilisabilité, diversité. Le document de présentation du programme de recherche, qui regroupe les textes focalisés et les synthèses, est co-signé par 55 chercheurs et doctorants.

"L’évolutivité est centrale pour accommoder les changements auxquels les systèmes informatiques ubiquitaires sont confrontés. Au cœur de celle-ci  est la capacité d’adaptation, qui doit être intégrée dès les premières étapes de conception des architectures"

Restituer en quelques lignes le programme serait illusoire. L’encadré ci-dessous en donne la structure. Un mot cependant sur l’évolutivité, centrale pour accommoder les changements auxquels les systèmes informatiques ubiquitaires sont confrontés. Au cœur de l’évolutivité est la capacité d’adaptation, qui doit être intégrée dès les premières étapes de conception de la, ou des architectures, qui ne peuvent être que décentralisées et dotées de capacité d’auto-organisation. La mise en œuvre dépend largement des technologies logicielles sélectionnées pour le développement. Parmi les technologies logicielles actuellement émergentes, la programmation orientée aspect apparaît comme particulièrement prometteuse, car permettant de s’évader d’une stricte vision multi-couches. Les langages de mise en œuvre sont réflexifs, c’est-à-dire dotés de possibilités de modification à l’exécution, et donc d’adaptation lors de la vie opérationnelle. Une conséquence de ces possibilités d’auto-adaptation opérationnelles est la nécessité d’analyses également opérationnelles, tant de vérification que d’évaluation. Revers de la médaille : des attaques mettant à profit la réflexivité pour effectuer des modifications indues et malveillantes seraient extrêmement difficiles à détecter, car ne compromettant apparemment pas les machines visées.
Le programme de recherche a été présenté publiquement le 18 octobre dernier lors d’un workshop à l’Université La Sapienza de Rome, devant plus de 100 participants, dont la moitié extérieurs au réseau. Les productions publiques du réseau sont accessibles sur son site, en particulier un état des connaissances en résilience informatique, un curriculum pour l’enseignement de la résilience, et l’accès à une base de connaissances en résilience. L’état des connaissances, produit par 66 coauteurs, est structuré selon les approches classiques en sûreté de fonctionnement des systèmes informatiques : architecture, algorithmique, évaluation, vérification, facteurs humains. Le curriculum donne le programme pour des enseignements de master, couvrant deux années, soit environ 1000 heures d’enseignement. Ces travaux, qui visent à appréhender la résilience informatique avec une vision large et multidisciplinaire, représentent une étape importante dans la poursuite des objectifs que s’est fixés le réseau.

Structure du programme de recherche

Evolvability
    Resilient ubiquitous systems
    Adaptation and self-organisation
    Models for ubiquitous systems
    Resources and infrastructures for ubiquitous systems

Assessability
    Assessing evolvable systems
    Methods and techniques to assess evolvable systems
    Assessability as an engineering discipline

Usability
    Improved development processes
    Contextual usability
    Going beyond standard usability

Diversity
    Small-scale diversity
    Large-scale diversity

ReSISTest un réseau d'excellence européen coordonné par le LAAS. Toutes les informations sont disponibles sur son site web (www.resist-noe.eu), y compris ses productions publiques. Le programme de recherche est disponible à l'adresse : www.resist-noe.eu/Publications/Deliverables/D13-Research_Agenda.pdf