Lettre du LAAS

Publication trimestrielle du Laboratoire
d'analyse et d'architecture des systèmes du CNRS

Monteil2

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Pourquoi la gestion d’un ordinateur devrait-elle être compliquée ? Que ce soit pour offrir aux particuliers une utilisation simple, sûre et efficace, ou pour réduire les frais de gestion du parc informatique d’une entreprise, le projet SOP propose des machines autogérées, garantissant sécurité et actualisation, pour une expérience digitale optimale. Les travaux théoriques seront suivis d’une expérimentation par un panel de testeurs.

L’accès et l’utilisation des technologies de la communication et de l’information sont encore en phase de révolution. Deux univers s’y côtoient : le monde des télécommunications et l’ordinateur personnel connecté, avec entre eux des possibilités croissantes en connectivité des télévisions et consoles de jeux intégrant des services liés à Internet et les ordinateurs personnels qui, via la voix sur IP et les clés 3G, intègrent des services de téléphonie et de mobilité. Et comment ne pas citer les tablettes dont l'émergence souligne la soif d’une informatique mobile et conviviale ? Pour les ordinateurs, nous sommes encore cependant sur un modèle de fonctionnement obsolète où l’utilisateur doit gérer sa machine en termes de système d’exploitation, acheter ses logiciels, les installer, les mettre à jour... se retrouvant avec un ordinateur mal configuré, rarement sauvegardé, souvent mal protégé et subissant au fil du temps une perte de performances par l’ajout de « verrues » logicielles.
Le projet SOP[1] propose une informatique opérationnelle fondée sur un modèle de fonctionnement hybride associant les avantages des modèles de gestion locale des machines et logiciels et l'accès à des services distants. Il s'appuie sur les acquis récents de plusieurs domaines, la téléphonie mobile, l'informatique autonome, les machines virtuelles dans les centres de ressources informatiques, les machines des utilisateurs et enfin l’extension des modèles d’accès distant aux ressources logicielles dans un nuage informatique.

Nuage sur abonnement
L'utilisateur souscrit simplement un abonnement de type ADSL lui permettant de recevoir une machine de type PC « léger » ou de déployer le système sur ses propres appareils, ordinateur fixe, portable ou tablette. Il connecte son terminal et choisit ses applications payantes ou libres. Même principe pour le professionnel, si ce n’est que les logiciels installés ou accessibles sont définis sous forme de profil reproductible afin de fournir à un groupe de machines ou d'utilisateurs une configuration similaire. Les logiciels sont configurés afin de se conformer à la machine d’accueil (système d'exploitation, chemins d'accès...) et sont mis à jour automatiquement. Installation en local ou accès distant, le choix dépend à la fois de la nature des applications et de la configuration du matériel. Il serait par exemple irréaliste de prévoir l'installation locale d'une application de modélisation graphique lourde sur une tablette légère. Certaines applications peuvent également être uniquement disponibles à distance, par choix des éditeurs.

Pour la partie service, un modèle proche de l'informatique en nuage est adopté, conforté par le développement très important du concept Software as a Service, dans lequel une application logicielle est vue par ses utilisateurs comme un service réseau fourni à travers l’Internet. Ces services sont fournis grâce à des machines virtuelles déployées sur les ressources matérielles de centres de calcul, de l'utilisateur ou même d'autres particuliers, inactifs ou collectivisant leur puissance de calcul dans un esprit d'économie d'énergie. De nombreux paramètres sont à prendre en compte lors du déploiement : les préférences de l’utilisateur, l'état de la machine, celui du centre de ressources, le logiciel lui-même (non accessible à distance, trop consommateur de bande passante, mutualisable), la qualité de service (QoS) souhaitée (rapidité, confidentialité, redondance), l’énergie consommée... L’ensemble de l’architecture logicielle comprenant le système d’exploitation de chaque machine est déployé, administré et optimisé par le fournisseur de services de manière transparente pour le particulier.

Plusieurs verrous scientifiques et technologiques doivent cependant être levés pour le développement de ce projet. Tout d’abord la modélisation de la consommation énergétique et de la QoS dans un système aussi hétérogène. La tendance lourde vers une connectivité “sans coupure” entre réseaux filaires et sans-fils, bien que permettant aux utilisateurs de partager les mêmes services de communication, où qu’ils se trouvent et quel que soit leur terminal, rend la gestion du réseau et de la QoS complexe, imposant des configurations évolutives et dynamiques du réseau de manière autonome. En outre, l'inclusion des machines utilisateurs dans les ressources de déploiement du projet, en fait une architecture dynamique instable. Déploiements, contraintes de QoS et reconfigurations dynamiques garantissant la cohérence du système et la satisfaction des contraintes s’appuient sur les grammaires de graphe et ses extensions développées au LAAS.

Exécuter des applications sur les machines d'autres utilisateurs peut susciter de l’appréhension. Des politiques de sécurité et de protection de données seront mises en place. Tous ces points seront confrontés au passage à l’échelle et constituent en soi un verrou à lever, si l’on souhaite pouvoir gérer plusieurs centaines de milliers d’utilisateurs aisément. Ce dimensionnement ambitieux ne permettant pas l’expérimentation à l’échelle réelle, c’est un simulateur qui, dans un premier temps, estimera le comportement du système à grande échelle. Avant la fin du projet prévue en 2014, une expérimentation réelle sera réalisée en déployant à l’INSA de Toulouse une plateforme utilisable par un panel d’étudiants logeant sur place.

[1] SOP, Think global services for personal computer

Monteil1-SOP

SOP, Penser service global pour les ordinateurs personnels

Projet financé dans le cadre de l’appel ANR INFRA
Coordonné par le LAAS
Partenaires : l’IRIT, Degetel, SysFera et QoS Design, start-up issue du LAAS