Lettre du LAAS

Publication trimestrielle du Laboratoire
d'analyse et d'architecture des systèmes du CNRS

JP-Blanquart

Jean-Paul Blanquart, ingénieur de l’Ecole des Mines de Paris, a soutenu sa thèse de docteur-ingénieur en 1983 : « Conception d’un support de communication sûr de fonctionnement pour systèmes de surveillance et de sécurité : REBECCA ». Il a été chercheur contractuel au LAAS entre 1983 et 1988, avec une interruption de séjour post-doctoral à l’université de Californie Los Angeles (UCLA) en 1986, avant d’entrer chez Matra Espace (aujourd’hui Astrium). Il y est responsable d’études avancées en sûreté de fonctionnement et autonomie des systèmes spatiaux.

Quand je suis entré à Matra Espace, aujourd’hui Astrium, l’entreprise travaillait déjà beaucoup avec le LAAS. J’ai continué et ai expérimenté de
nombreuses formes de contacts et collaborations. Dès 92 s’est monté un laboratoire d’ingénierie de la sûreté de fonctionnement, le LIS (lire ci-dessous). C’était un projet très ambitieux et le premier laboratoire du genre, avec deux partenaires industriels et un partenaire académique, en équipe intégrée chez ce partenaire académique, en l'occurrence le LAAS. J’y ai été détaché à plein temps et suis donc revenu au LAAS huit ans dans ce cadre. Aujourd’hui, nous sommes dans un partenariat plus classique mais nous ne sommes jamais loin. Cela peut prendre la forme de réponses communes, au sein de consortiums, à des projets ANR ou européens, de consultations d’experts du LAAS, ou encore des collaborations à des projets du LAAS, externes ou internes, à titre de conseiller industriel. Il y a aussi les actions libres telles que le financement et le suivi de thèses. Le fait que nous nous connaissions bien et que nous soyons géographiquement proches joue un rôle fondamental dans la relation. Le projet SPAAS1 a été particulièrement intéressant parce que pour la première fois, nous avons été amenés à travailler avec deux équipes distinctes du LAAS dans un même projet.Je connaissais bien le groupe Tolérance aux fautes et sûreté de fonctionnement informatique, TSF, qui m’avait accueilli pour ma thèse sous la direction de Jean-Claude Laprie. Je connaissais moins en revanche le groupe de Robotique et intelligence artificielle, RIA, avec lequel nous avons depuis de nouveaux projets en commun et collaborations. Mais ce qui a été le plus marquant pour moi, c’est que la sûreté de fonctionnement soit devenue une vraie discipline, dans les années 80, avec des concepts, un vocabulaire, des méthodes rigoureuses. La contribution du groupe TSF du LAAS a été décisive de ce point de vue. A Astrium, je me sens bien sur des projets de R&D mais j’ai toujours aimé manipuler des concepts et ne suis jamais très loin de la recherche. Ce que j’apprécie avec le LAAS, c’est l’invitation permanente des académiques à ce que nous, industriels, participions à l’avancement des travaux. Au LAAS, quand une thèse est co-financée avec un industriel, on ne dit pas « est-ce que ça vous plaît comme application ? », il y a une vraie volonté de faire participer l’industriel à la partie académique des travaux. Certes, nous sommes dans l’industrie et ce que nous faisons doit déboucher sur quelque chose, mais aussi sur des savoir-faire et des compréhensions. Nous ne quantifions pas chaque thèse selon un retour espéré à un ou deux ans. C’est sur plusieurs années que l’on devient meilleur.
L’expérience du LIS m’a beaucoup intéressé. Le LIS a explicitement essayé d’avoir une démarche pluridisciplinaire en associant facteurs techniques et humains. Les ingénieurs ont souvent une vision trop technique des facteurs humains. On travaille avec la dimension humaine comme s’il s’agissait d’un composant matériel modélisable, avec une approche parfois trop naïve. Au LIS, nous avons senti qu'il fallait approfondir une démarche plus complète combinant et intégrant au mieux l'approche technique et l'approche psychologique et sociologique de la sûreté de fonctionnement. C’était très difficile mais nous avons fait des choses bien qui ont laissé des traces. Les personnes ont plus d’importance que les institutions. Les idées voyagent avec les personnes, il faut des échanges de personnes.

Le LIS (Laboratoire d’ingénierie de la sûreté de fonctionnement) a été créé en 1992, associant deux entreprises leaders (Matra Marconi Space, aujourd’hui Astrium et Technicatome, aujourd’hui Areva) dans leurs domaines respectifs au LAAS. Il a été reconduit 4 ans plus tard. Aux premiers partenaires se sont alors joints Airbus, EDF et Thales. Le LAAS est à l’initiative en France des laboratoires communs entre les mondes académique et industriel.

1 SPAAS, Sofware Product Assurance for Autonomy onboard
Spacecraft, projet ESA 2001-2004.